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The Doug

Premières parties triomphales de Eddy De Pretto et Gaëtan Roussel, présence sur de gros festivals comme le FNAC Live à Paris, l’été de The Doug a confirmé sur scène les prouesses affichées par son premier EP apparu en mai dernier. On se les était prises en pleine tronche ces cinq titres rageurs à la déprime jouissive avec comme point d’orgue le manifeste “Jeune The Doug”, son clip à l’esthétisme “white-trash” et sa guest-star improbable, Gilbert le bouc. Le cri gouailleur d’un enfant de notre époque. Aussi belle que dèsespérée, aussi violente que câline, aussi sombre que lumineuse, aussi égoïste que partageuse. L’œuvre intime d’un jeune homme de 22 ans, qui a trouvé son pseudo sur les bancs d’un collège de Clermont-Ferrand, sa ville : “Le prof d’anglais voulait que l’on ait des prénoms anglais pendant les cours. Mon frère connaissait un écossais qui s’appelait Douglas. Ça ne me semblait pas commun et je l’ai adopté”. Qui mute au lycée en The Doug, lorsqu’il s’agit de dénicher un alias pour porter son projet rap. Pourtant, le premier coup cœur de Jules, son vrai prénom, n’est pas à chercher du côté du hip-hop, mais bien vers les activistes métal de System of the Down pour lequel il a longtemps éprouvé une “fascination monomaniaque”. Plus tard, quand arrive l’adolescence, débarquent dans ses playlists The Strokes, Linkin’ Park, Prodigy, REM et surtout Gorillaz qu’il place toujours au panthéon de ses grandes références musicales. Puis c’est la rencontre, inévitable, pour l’enfant de ce siècle, au lycée avec le rap qui lui fournit ses premiers textes et ses premières chansons. Mais contrairement à ses camarades qui se contentent de plaquer leur flow sur des beats choppés vite fait sur internet, The Doug possède une méthode bien à lui : “Pour moi, c’était plus facile d’imaginer une boucle avec ma guitare, de la lancer, et après d’écrire les paroles.” Pendant quelque temps en anglais puis rapidement en français. “Une bonne façon de trouver les mots justes pour exprimer ce que je veux. Cela permet de toucher les gens plus simplement. Mon but c’est de les dèstabiliser, de les saisir aux tripes, c’est plus évident en français.” L’exposition d’une personnalité résolument hors cadre dont les influences et les passions se révèlent comme un marqueur. Citons pêle-mêle, le collectif de rappeurs texans de Brockhampton, Lomepal, ou Bon Iver, les films où “les acteurs ont des gueules un peu chelou” de Bruno Dumont ou Alain Guiraudie, mais aussi l’escalade, la science-fiction, l’héroic fantasy, les jeux vidéo et même le Prix Nobel de Littérature, Albert Camus.

Un “name dropping” qui ne sonne peut-être pas comme une évidence à l’écoute des titres de ce second EP mais qui permet à coup sûr de lancer des pistes pour raconter cet artiste singulier. Assumant aujourd’hui à fond une position de chanteur plus que de rappeur, malgré quelques saillies ici ou là, Jules prend un peu de hauteur, pour s’éloigner du 100% journal intime. À l’image du bouleversant “Génération” état des lieux assez noir des “gens avec qui je traîne. La moitié a été en hôpitaux psychiatriques, d’autres se sont butés. Je voulais leur rendre hommage. Moi aussi j’ai avalé des cachets. Je suis né en 2000 et depuis toujours j’ai ressenti la crise, genre la fin du monde est pour demain.” Ces millenials en première ligne de cette “génération dèsenchantée” sont aussi présents sur “Dégats” où The Doug laisse encore tomber le “je” pour le “il”tout au long d’un morceau qui semble taillé pour être reprise à tue-tête dans les concerts. L’occasion de mettre en lumière le talent de ses deux complices, Aero qui s’occupe notamment des beats et Xavier le réalisateur. Un duo qui donne des couleurs à la matière brute du Clermontois, sans non plus la déformer. Illustration parfaite avec l’éclatant “HLM en papier”, sorte de version 2022 du “Dans mon HLM” de Renaud où le chanteur s’affirme en portraitiste touchant d’un quotidien qu’il a bien connu : “J’ai habité longtemps en HLM, j’aimais bien cette ambiance, j’ai regroupé dans cette chanson l’ensemble des cas sociaux avec qui j’ai grandi. C’est un hommage à cette partie de l’enfance.” L’intime est également au cœur de la sensible “Les Calmants”. “La” chanson d’amour du EP. Autobiographie d’un chagrin amoureux où son cœur saigne. Son écriture poético-réaliste et sa verve fougueuse y font des merveilles. Assurément une grande gueule. Au propre comme au figuré. Et puis il y a cette reprise maline d’un morceau oublié de Brigitte Bardot “Une histoire de plage”. Une manière d’envoyer quelques rayons de soleil au milieu des tensions sombres qui traversent l’inspiration poignante de The Doug. Cinq titres pour patienter avant l’album promis l’an prochain. On a déjà hâte.

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